Éditions GOPE, 14.5 x 20.5 cm, 582 pages, illustrations noir et blanc, ISBN 979-10-91328-16-6, 29.40 €

samedi 23 septembre 2017

Dans quelle librairie trouver Police vs Syndicats du crime ?


LIBRAIRIES SPÉCIALISÉES CINÉMA

La Librairie du Cinéma du Panthéon
15 rue Victor-Cousin
75005 Paris

Librairie Potemkine
30 rue Beaurepaire
75010 Paris

Metaluna Store
7 Rue Dante
75005 Paris

Hors-circuits
4, rue de Nemours
75011 Paris

Librairie de la Cinémathèque
51 rue de Bercy
75012 Paris

Librairie du Cinéma
Rue de la Terrassière 9
1207 Genève
Suisse





LIBRAIRIES SPÉCIALISÉES ASIE OU FRANCOPHONES EN ASIE

Librairie Le Phénix
72 Boulevard de Sébastopol
75003 Paris

L’Harmattan Librairie Internationale
16 Rue des Écoles
75005 Paris

Librairie Grande Muraille
Avenue Paul Deschanel 92
1030 Bruxelles
Belgique

Parenthèses (French Book Shop)
Duke Wellington House, 2nd floor
14-24 Wellington St
Central
Hong Kong

Librairie Le Pigeonnier
No. 9, Lane 97, Songjiang Road
Zhongshan District
Taipei City
Taïwan 10491


AUTRES LIBRAIRIES

Librairie Eyrolles
55-63 Boulevard Saint-Germain
75005 Paris

Librairie Decitre Annecy
19 Rue Sommeiller
74000 Annecy

FNAC Annecy
65 rue Carnot
Centre Commercial Courier
74000 Annecy

La Librairie Tartinerie
Place de l’église
32120 Sarrant

Histoire de l’œil
25 Rue Fontange
13006 Marseille

Au brouillon de culture
29 Rue Saint-Sauveur
14000 Caen

Librairie Mollat
15 Rue Vital Carles
33080 Bordeaux

Ombres Blanches
50 Rue Léon Gambetta
31000 Toulouse

Polar & Co
Rue de la Coupe 36
7000 Mons
Belgique

lundi 28 août 2017

Les merveilles du polar hongkongais

Article original


Avec son livre Police vs Syndicats du crime, Arnaud Lanuque nous plonge dans l’univers des polars et des films de triade dans le cinéma de Hong Kong : gangsters tatoués, code de l’honneur, flic infiltré, tueuses professionnelles…
Il est un véritable passionné du genre – comme vous pouvez le lire régulièrement dans notre journal – et, pour notre plus grand plaisir, Arnaud Lanuque change cette fois-ci de costume et se livre au jeu de l’interview.  

Arnaud, qu’est-ce qui t’a marqué dans le cinéma hongkongais, au point de vouloir en écrire un livre ?
Ce qui m’a passionné dans le cinéma de Hong Kong, c’est cette énergie inégalable ; c’est un cinéma très rythmé et agressif. Il y a aussi la liberté de ton, avec des ruptures complètes entre une scène tragique et la suivante qui peut être comique voire absurde.
Puis j’ai découvert Hong Kong proprement dit il y a quelques années, j’ai aimé la culture, le mélange Occident-Orient. J’ai voulu me battre contre le cliché « Hong Kong désert culturel ». Ce n’est pas vrai. Il y a une pop culture foisonnante, très riche et très intéressante. 

Tu as décidé de te concentrer sur le cinéma policier hongkongais, y a-t-il un moyen de le qualifier ? 
Commercial et distrayant ! Le cinéma de Hong Kong, pendant très longtemps, ne bénéficiait d’aucune subvention publique. C’est quasiment tout l’inverse du système français dans lequel il y a des aides publiques, la télévision qui est obligée d’investir… A Hong Kong, les cinéastes devaient se débrouiller seuls et il fallait que les gens aillent voir les films, qu’ils paient pour leurs tickets. 
Pour attirer le public dans les salles, il faut le divertir. Il y a cette surenchère d’action, souvent martiale, mais aussi mécanisée. Le but, c’était d’avoir des idées plus originales les unes que les autres. Un peu à l’image de ce qu’est Hong Kong : une compétition pour la survie, il faut toujours réussir à faire de l’argent et s’en sortir mieux que les autres. Dans le cinéma, c’était la même chose. 

Pour faire entrevoir la diversité du genre, peux-tu nous citer quelques « courants » du polar hongkongais que tu couvres ?
Il y a les biographies de gangsters, l’Heroic Bloodshed, la romance criminelle, les triades fashion (Goo Waak Zai). On peut citer aussi le polar martial, qui est un film de kung-fu, mais dans une version plus « flics contre gangsters ». Les versions féminines avec Girls with Guns. Enfin des films où on montre le policier dans ce qu’il a de plus vertueux pour le polar SDU (Special Duties Unit), sorte de GIGN hongkongais… et d’autres !

Arnaud Lanuque et son bébé !

Tu présentes tous ces courants, les films qui les illustrent le mieux, leurs apports… combien de temps t’a-t-il fallu pour bâtir cette mini-encyclopédie ?
Pour la rédaction, environ 3 ans. Mais il y a toute une série d’interviews qui a été faite sur une période d’environ 13 ans. Je dois dire que ces interviews concernaient tous les genres du cinéma à Hong Kong. A l’origine, je voulais faire une bible du cinéma hongkongais, qui parlerait de toutes les grandes familles de films, le polar, la comédie, les films fantastiques. J’avais commencé dans cette direction, sauf que je me suis vite rendu compte que ça donnerait un livre de 1000 pages et que ça me prendrait 10 ans à le faire. J’ai donc décidé de m’orienter vers un seul chapitre qui était mal couvert : le polar.

Parmi les interviews que tu reprends dans ton livre, tu as pu interroger d’anciens policiers, des cascadeurs ?…
Oui, quand les gens voient que vous aimez ce qu’ils ont fait, que vous aimez Hong Kong, ils n’ont pas de réserve ! L’interview de Philippe Chan, scénariste mais surtout ancien policier gradé, est très intéressante. Il était en charge dans les années 70 des agents undercover, les vrais ! Il parle d’un certain nombre d’anecdotes, il connait bien le milieu. 
Pour les cascadeurs, on trouve celle de Hung Yan Yan, qui a été chorégraphe sur plusieurs films, et également doublure de plein d’acteurs. Les cascadeurs hongkongais, pendant longtemps, étaient tout simplement les meilleurs dans toutes les industries cinématographiques confondues. Contrairement aux productions américaines, à Hong Kong, c’est le chorégraphe qui décide de tout, et souvent cela donne des résultats bien meilleurs. 

A travers ces films, est-ce qu’on en apprend beaucoup sur Hong Kong ?
Oui, très clairement ! Il y a deux aspects. D’un côté, ce sont des films distrayants car les personnages sont intéressants et il y a un savoir-faire en matière d’action. 
De l’autre, ces films montrent la ville et sont souvent placés dans un contexte populaire, avec des quartiers délabrés, rarement le Peak ou Aberdeen ! Beaucoup de réalisateurs hongkongais ont voulu immortaliser certains endroits de la ville, beaucoup de scènes de Ringo Lam se passent dans des lieux connus, à Nathan Road, à Tsim Sha Tsui, à Causeway Bay… ou des commissariats (Yau Ma Tei par exemple). 
Enfin, mais c’est plus indirect, l’influence de grands événements, comme la répression des soulèvements communistes de 1967 ou la création de l’ICAC (commission indépendante contre la corruption) en 1974, ont fait évoluer certains aspects : la naissance de l’identité hongkongaise, un regard plus positif des forces de police…
Par exemple, j’explique que l’agent undercover symbolise le trouble identitaire du Hongkongais. Quand on connait Hong Kong et ses difficultés à se positionner entre la Chine et l’Occident, c’est intéressant de voir comment le personnage se cherche, ne sait pas de quel côté il doit aller.  

Peux-tu nous citer quelques films à voir absolument ? 
J’ai dû en voir 400, peut-être 500 ! Le plus connu, c’est Le Syndicat du crime de John Woo, c’est un film ultra-fondateur à tous les niveaux. Man on the Brink d’Alex Cheung est le meilleur film sur l’agent undercover, une vraie spécificité du cinéma hongkongais. Il y a aussi Coolie Killer, de Terry Tong, ça fait partie d’un côté très sombre du polar avec des situations mélodramatiques. A Moment of Romance, de Benny Chan, est l’un des films fondateurs de la romance criminelle, où le personnage principal est un gangster au grand cœur. Protégé de Derek Yee, est un film sur le trafic de drogue à Hong Kong et sur les conséquences individuelles qui en découlent.
Avec également un personnage undercover, il y a tous les traits classiques du cinéma de Hong Kong dans ce film. Infernal affairs d’Andrew Lau et Alan Mak, avec encore une fois un agent undercover. Il a eu un retentissement international, remaké par Scorsese… Et pour finir, Shanghai 1920 de Po-chih Leong, c’est une grosse production, c’est d’ailleurs un vrai gangster qui l’a produit ! 

Aujourd’hui, y a-t-il un avenir pour le cinéma policier hongkongais ? 
C’est vraiment difficile. Il n’y a plus vraiment les budgets pour faire des films d’action. Aujourd’hui on voit surtout de grosses productions type Cold War, très glamour, avec un gros casting. Ce sera moins libre dans les thèmes et plus consensuel. A l’inverse, il y a toujours pas mal de films de triades mais avec de petits budgets, donc avec des jeunes scénaristes qui essayent de trouver des angles un peu originaux. Mais c’est difficile, c’est un sujet qui a été battu et rebattu. A l’heure actuelle, il n’y a plus grand-chose, hélas. 
[…]

Antoine Vergnaud - Marc Schildt
13 juillet 2017

dimanche 27 août 2017

Conférence Hong Kong Cops and Triads Films: Between West and East



Cet été, Arnaud Lanuque a été l'un des invités francophones de la foire du livre de Hong Kong durant laquelle il a donné une conférence, Hong Kong Cops and Triads Films: Between West and East.



Son intervention a été remarquée, elle lui a valu un article dans le South China Morning Post !

Consulate worker by day, film historian by night: one French author’s love affair with Hong Kong cinema

La conférence donnée dans le cadre de la Hong Kong Book Fair pour la sortie de Police vs Syndicats du crime, avec la participation de Sam Ho et Karen Fang.
Comme vous le remarquerez, la première partie s’éloigne un peu du sujet original dans le but d’apporter un éclairage un peu inédit et amusant au public local.


samedi 26 août 2017

Le livre à lire cet été : Police Vs Syndicats du Crime de Arnaud Lanuque

Article original

L’été approche et les longues journées au soleil aussi (ou pas, hein…), du coup il faut bien trouver quelque chose à lire et si la place le permet dans votre valise, on vous conseille le très (gros) beau livre de Arnaud Lanuque, Police vs Syndicats du Crime – Les polars et films de triades dans le cinéma de Hong Kong.

[…]

Maintenant on en revient au livre et au sérieux avec lequel il a été fait. Avec tout le respect que j’ai pour GOPE – je ne connaissais absolument pas cet éditeur –, on est face à un beau livre à la couverture souple qui va avoir toute sa place dans votre bibliothèque. On peut sans aucun mal dire que c’est un dictionnaire plus qu’un livre tant celui-ci dresse un portrait très juste du cinéma de genre de cette époque.

Pour ce qui est du contenu, c’est vraiment très complet et après la lecture des 579 pages, il est impossible que vous ne soyez pas incollable sur le sujet, très très vaste du livre. Que ce soit côté interview de réalisateurs ou bien explication en détail de films ou genres, le livre est vraiment très bien fait, et se dévore avec plaisir malgré ses 579 pages (je suis plus film que livre…). Ce qui est aussi assez incroyable, c’est la quantité d’interviews réalisées par l’auteur, ils sont tout de même très nombreux à être présents dans le livre (on vous laisse découvrir la liste en lisant le livre).


Vendu pour moins de 30€, c’est un investissement très sage pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur le sujet et il est impossible pour vous de ne pas apprendre quelque chose tant le livre est riche.

Il suffit de voir le sommaire pour s’en convaincre.

[…]

L’auteur a tout de même beaucoup travaillé pour sortir ce livre puisque la collecte des interviews s’est étalée sur environ 13 ans…ce qui n’est pas rien et a demandé beaucoup de patience. Un grand merci à lui pour ce beau travail !

Alex C., Ciné-Asie
26/06/2017

Liste des interviewés

Visitez la page Facebook du livre animée par Arnaud Lanuque pour des photos et vidéos complémentaires

Voici la liste des personnes interviewées à titre exclusif pour les besoins du livre et dont vous retrouverez les déclarations (parfois sur un film précis, parfois sur un genre dans son ensemble) dans Police vs Syndicats du crime :

- Tsui Hark
- Ringo Lam
- Alex Cheung
- Po Chi Leong
- Ronny Yu
- Benny Chan
- Teddy Chen
- Gordon Chan
- Lawrence Ah Mon
- Philip Chan
- Michael Wong
- Jacob Cheung
- Samson Chiu
- Godfrey Ho
- Terry Tong
- Hung Yan Yan
- Joe Cheung
- Yukari Oshima
- Sharon Yeung
- Jade Leung
- Tamara Guo
- Sophia Crawford
- Mark Houghton
- Shu Kei
- Terence Chang
- Anthony Wong
- Josie Ho
- Chin Kar Lok
- Herman Yau
- Simon Yam
- Daniel Lee
- Patrick Tam
- Mike Abbott
- Mike Leeder
- Teddy Robin Kwan
- Yuen Cheung Yan
- Matt Chow
- Eddy Ko
- Cheung Chi Sing
- Clifton Ko
- Dennis Chan

Hermann Lau

mardi 13 juin 2017

Entretien avec Arnaud Lanuque

Police vs Syndicats du crime – Les polars et films de triades dans le cinéma de Hong Kong

Article original

Now (China?) vs A Better Yesterday. Si le titre du livre d’Arnaud Lanuque, Police vs Syndicats du crime, évoquera pour certains celui du film japonais de Kinji Fukasaku, la présence de CYF [Chow Yun-fat] sur la couverture – signée Drélium, chapeau l’artiste – ne laisse pas de doute : ça va causer HK dans le texte.
En un peu moins de 600 pages, une grosse partie du polar HK 80’s et 90’s défile sous nos yeux ébahis. Un peu d’historique pour cadrer la Nouvelle Vague, des chiffres et des infos concrètes pour appuyer la respectabilité du projet et hop, on embraye ! Le fun, la folie créative, l’opportunisme génial, le talent, le goût du risque, la vie quoi ; là, croyez-moi, on s’en paye une sacrée tranche !
Là-dedans, on trouve un passage franchement épique sur les triades et leurs liens avec le septième art, un autre passionnant sur le genre de l’Heroic Bloodshed, d’autres carrément jouissifs sur le SDU et le Girl with Guns (arghl !) ; c’est bien simple, ça n’arrête pas. Le tout est émaillé de chroniques éparses, d’un ciment subjectif et faussement naïf bienvenu, et, surtout, d’une avalanche d’entretiens tous plus enthousiasmants les uns que les autres. S’ils caressent salement la fibre nostalgique – ça picote grave – ils émeuvent aussi son homme. Le témoignage du cascadeur Mark Houghton m’a fait rire comme celui du mainlander Hung Yan Yan pleurer. Ces gars-là ont beau être des héros, on se dit qu’ils ont dû en shed-er, des tears ! Les mots de Michael Wong filent la banane, ceux de Tamara Guo (Women on The Run, oh !) sont troublants etc., etc. : n’en jetez plus. Enfin, si, faut m’en renvoyer un exemplaire parce que dans çui-là, désormais y a des pages collées.

Last Hurrah for the 90’s

— Tu vis à Hong Kong depuis combien de temps ?
AL : Cela fait près de 5 ans maintenant que je vis à HK.

— La grosse richesse du livre : cette armada d’entretiens, souvent passionnants, que tu as pu obtenir. Combien de temps as-tu passé sur l’ouvrage ?
AL : La collecte des interviews s’est étalée sur environ 13 ans. L’écriture proprement dite a pris à peu près 3 ans. La recherche d’un éditeur motivé a également pris plusieurs années, si bien qu’il y a un petit décalage entre la sortie du livre et les derniers films traités qui datent de fin 2012/début 2013.  

— Le travail me semble titanesque. Tous ces artistes se sont-ils exprimés facilement ? As-tu eu des accès directs ou par le truchement de ?… Est-ce « Confidentiel Défense » ?
AL : Dans l’ensemble, la plupart d’entre eux sont assez accessibles. Évidemment, c’est mieux si vous êtes recommandés par quelqu’un qu’ils connaissent. Comme ça a été une entreprise de longue haleine, j’ai pu me constituer un carnet d’adresses plutôt intéressant. Ceci étant, certains n’ont pas été faciles à avoir. Michael Wong, par exemple, m’a pris quelque chose comme 3 ans. À chaque fois, il me disait « O.K. » pour l’interview, qu’il allait me rappeler pour convenir d’une date précise et il ne le faisait jamais. Au final, ça c’est fait par le biais d’une connaissance commune, mais avec à peine une heure de battement et alors que je n’avais pas les questions de l’interview le concernant sur moi ! J’ai dû la reconstituer de mémoire, en catastrophe. Heureusement, l’interview s’est finalement très bien passée. Il y en a d’autres que j’ai essayé d’avoir à de multiples reprises, mais soit ils ne donnaient simplement pas suite à mes demandes (Kirk Wong) soit ils étaient trop occupés sur des films (John Woo). Et puis, parfois, il y a ceux qu’on traque pendant des années, dont on finit par avoir le contact mais qui refusent tout simplement de faire des interviews. Inutile de dire que c’est assez rageant. Ou plus triste encore, ceux qui décèdent au moment où on obtient l’information (Ivan Lai). Mais, une fois qu’on les a devant soi et qu’ils comprennent qu’on s’intéresse sérieusement à leur carrière, ça se passe généralement très bien. 

Cher Gordon [Chan] : d’où vient ce penchant de Dante Lam pour les gros calibres, exactement ? Et vous-même ?...

— Ta large connaissance des œuvres phares, mais aussi des pépites un peu underground que les aficionados se conseillent et se partagent souvent, clin d’œil à l’appui – Fatal Termination, au hasard – t’ont a priori permis d’agencer ton livre en fonction. Justement, cet aspect fan des choses, complètement subjectif, t’a-t-il aidé ou plutôt freiné pour t’organiser, le mettre en page ?  
AL : Un des buts du livre était justement de faire justice à la production cinématographique hongkongaise dans sa diversité. Je ne voulais pas me contenter de marcher sur les sentiers battus du genre et ne parler que de John Woo et autres Johnnie To. Évoquer donc d’autres films importants au sein du genre mais méconnus en France (comme Man on the Brink ou Coolie Killer par exemple) était donc très important pour moi. Dans le même temps, ce qui a fait la richesse du cinéma de Hong Kong, c’est aussi ce foisonnement de séries B. Des films à moyen budget qui tentaient de rivaliser avec les œuvres des maîtres du genre via une débauche d’action ou des idées un peu folles. Il me semblait important d’en parler et de les mettre en valeur également.
Pour l’organisation pratique du livre, j’ai très rapidement opté pour une classification par grands sous-genres. Certains chapitres allaient de soi comme celui sur l’Heroic Bloodshed ou le SDU. Certains sont le produit d’un processus d’écriture. La romance criminelle par exemple n’était pas prévue à l’origine mais s’est imposée à la fin de l’écriture du chapitre consacré à l’Heroic Bloodshed. Je me suis également pas mal interrogé sur la manière dont je devais organiser chaque chapitre, si je devais avoir une structure fixe appliquée à chacun ou si je devais individualiser à chaque fois selon ce que j’avais à dire. J’ai finalement opté pour la seconde option mais encore aujourd’hui, je m’interroge si c’était bien la meilleure chose à faire. 

— Tranches de vies : tes avis, ta vision. D’aucuns pourraient trouver cela dérangeant. Pas moi : le témoignage est palpable, dès lors on n’est pas dans le dictionnaire – je déteste ça, ça fait « stèle » je trouve. On encense comme on enterre. As-tu toutefois un peu freiné tes points de vue sur ce large panel de sujets évoqués dans ce livre ?
AL : Non. Mais peut-être que j’aurais dû ? (Rires). Plus sérieusement, il faut forcément avoir un point de vue pour écrire un livre de ce type. Comme tu dis, ce n’est pas un dictionnaire. Chacun est libre d’arriver à la même conclusion que moi ou, au contraire, penser de manière complétement différente. Cela nourrira le débat autour de ces films et des personnes derrière leur création et contribuera à les faire connaître, ce qui est toujours positif.   

— Je t’en veux : sur les conseils de mon psy, j’essaye difficilement de m’extraire du passé et toi, avec ton bouquin, tu me replonges le nez dedans ! C’est malin, j’ai envie de tout revoir ! Même de découvrir quelques perles que j’ai honteusement ratées.
AL : Tant mieux si c’est le résultat que produit la lecture du livre !

— Les entretiens ne sont pas datés. Est-ce pour souligner le côté intemporel de ce cinéma-là ?
AL : On va dire que oui ! En pratique, je pense surtout que c’est quelque chose qui est passé à travers les relectures et corrections…

Cher Teddy [Chen] : O.K., on va causer Downtown Torpedoes et Purple Storm sans évoquer ni Mission : Impossible, ni Shiri, j’ai rétréci la Corée.

— Crois-tu que nous retournerons dans ce Hong Kong des 80-90’s comme beaucoup aiment à s’imaginer les fantasmées années 20 américaines ? Rétrocession, prohibition : même combat ? Penses-tu que de grands cinéastes feront à leur tour des films sur le Hong Kong des 90’s ? Un jeu de rôle dédié, même, pourquoi pas ?
AL : Question cinéma, c’était clairement une période bénie pour Hong Kong ! Et oui, il pouvait y avoir un côté brutal dans l’industrie à l’époque, via la présence des triades. C’est un sujet délicat. D’un côté, ça donnait lieu à de nombreux dérapages mais, d’un autre côté, l’argent de la pègre a permis la production de multiples films dont certains sont aujourd’hui de véritables classiques. De manière générale, le show-business a toujours attiré la pègre et HK ne fait pas exception. Hollywood a également connu ce genre de situation à multiple reprise. Mais la rétrocession n’est pas directement liée à ces rapports. À partir du moment où l’industrie a commencé à décliner et que l’argent facile n’était plus garanti, les rats ont quitté le navire.   
Ça viendra forcément un jour. The Sleep Curse de Herman Yau, sorti le mois dernier à HK, est situé dans les années 90 par exemple, même si ça n’apporte fondamentalement pas grand-chose au récit. Dans les années 90, il y avait eu une vague nostalgique par rapport au Hong Kong des années 60. Logiquement, la vague nostalgique envers les années 90 devrait donc frapper la ville durant la décennie 2020 !
Des jeux de rôles dédiés, j’ai le souvenir qu’il y en a déjà eu. Si cela donne envie à d’autres créateurs de JDR d’explorer cet univers, ce sera tant mieux. Je note quand même qu’il y a déjà des résultats de cette influence comme la série de livres les Chroniques de l’Étrange de Romain d’Huissier, qui est lui-même quelqu’un évoluant dans le monde du JDR.

— De tant en savoir, de dépiauter l’envers du décor, cela ne casse-t-il pas un peu la magie HK ? Le racisme, le dur lot des cascadeurs, l’égocentrisme des stars, les filouteries qui accompagnent les créations, l’intrusion des triades : l’exotisme en prend-il un coup ?
AL : J’ai toujours fait la part des choses entre films et réalité, donc ça ne me pose pas de problème personnellement. Je suppose que certaines informations risquent de décevoir certains fans par rapport à la manière dont ils voient leurs idoles.
L’exotisme en prend probablement un coup, mais c’est également très intéressant. Les personnes impliquées dans l’industrie, acteurs, réalisateurs ou autre, sont des gens normaux avec leurs forces et faiblesses. On tend probablement à l’oublier quand on voit uniquement leur côté super-héroïque tel que mis en avant dans les films. Mais c’est inévitable qu’il y ait des coups bas en tout genre, tout comme il y a également de belles histoires d’entraides et de générosité. Il y a beaucoup de rumeurs qui tournent autour du cinéma de Hong Kong. Certains sur internet ou même dans des magazines ont contribué à en colporter. J’espère que les interventions des différentes personnes interviewées pour le livre et certains de mes propres éclaircissements aideront les lecteurs à se faire une idée plus juste de ce qu’est l’industrie cinématographique hongkongaise.   

— Par contre, on ne trouve pas de chapitre consacré à la Cat III : parce que ça a déjà été fait ? 
AL : Ça me semblait surtout hors sujet. La Cat III est fondée avant tout sur le sexe et la violence. Le côté policier y est accessoire. Ceci étant, certains des films évoqués ont été catégorisés III puisqu’un des critères tient à la description considérée comme trop authentique des pratiques des triades.


Cher Godfrey [Ho] : ne trouvez-vous pas que le polar HK manque cruellement de ninjas ?

— J’aurais aimé un (long) chapitre sur les connexions américaines, ce copiage qui a un peu succédé aux délires italiens d’antan. Même coréennes, ainsi que la concurrence du ciné  de tatanes thailandais. Tu vas me dires : « just do it, man! », mais ne crois-tu pas que ça justifierait un sujet ? Le piratage de masse a-t-il flingué tout ça, quoi qu’il en soit ? 
AL : C’est un excellent sujet mais qui mériterait probablement son propre ouvrage.
Le piratage a été une des causes du déclin de l’industrie cinématographique hongkongaise mais pas la seule. Comme souvent, c’est une combinaison d’éléments : piratage, exode des talents, lassitude du public, augmentation des prix des tickets de cinéma, concurrence hollywoodienne et régionale (Corée, Thaïlande…). C’était probablement plus facile pour les cinéastes HK « d’emprunter » des idées à leurs collègues étrangers sans que cela se remarque trop du grand public à l’époque. Maintenant, cela serait immédiatement commenté en long, en large et en travers sur internet.

— Trouve-t-on d’après toi une nouvelle génération intéressée par ce cinéma-là ?
AL : En terme de spectateurs ? Hélas, ce n’est pas l’impression que j’en ai. Curieusement, alors que nombre de ces films jusqu’ici difficilement accessibles sont maintenant aisément trouvables, j’ai l’impression que le grand public perd en curiosité et préfère aller voir en masse les blockbusters américains. Et ça, que ce soit en France ou à Hong Kong. Je pense qu’il y aura toujours des aventuriers cinéphages/cinéphiles qui seront motivés à découvrir davantage ce cinéma, mais cela demeurera toujours une niche. Pour le meilleur et pour le pire !

Cher Ronny [Yu] : n’auriez-vous pas, par hasard, accepté de tourner un épisode de Chucky en pensant qu’on vous proposait un biopic sur Shu Qi ?

— Ringo Lam prône le retour des cascadeurs et du savoir-faire HK (source : Je-sé-plu) : qu’en penses-tu ?
AL : Ringo a l’air d’avoir mis un peu d’eau dans son vin depuis. En tout cas, c’est l’impression qu’il m’a fait au moment de la sortie de son Sky On Fire. Évidemment, je suis pour un retour de Hong Kong sur le devant de la scène cinématographique mondiale. Mais, en pratique, on n’en prend pas le chemin. La Chine digère lentement mais surement HK à tous les niveaux. Faire des films policiers tendance action nécessite de l’argent et il vient de plus en plus de Chine. En outre, les jeunes Hongkongais ne sont pas forcément très motivés pour jouer les cascadeurs. Et peut-on les blâmer ? Pourquoi faire un job mal payé pour lequel on met sa santé physique en danger alors qu’il y a plein d’autres opportunités plus faciles en ville ? À cela s’ajoutent la disparition de certaines écoles comme celles de l’opéra de Pékin et le peu d’opportunités d’acquérir le savoir-faire vu la diminution de ce type de productions aussi bien au cinéma qu’à la télévision qui ne permettent pas aux jeunes d’apprendre et d’améliorer leurs compétences.
Donc, militer pour le retour du savoir-faire HK, oui, bien sûr, mais, dans la pratique, c’est une dynamique très difficile à initier. 

— Toi qui est là-bas, saurais-tu me dire brièvement ce qui a changé pour un local depuis 1997, et ce qui, toujours pour un local, va changer après 2047 ? Ou bien peut-être que 2047 n’est qu’une illusion d’optique, que tout est déjà plié ?... 
AL : Ta question n’est pas évidente. Pour ce que je peux en dire, il n’y avait pas eu trop de changements de ressentis après 1997. Mais, à partir de 2002 je crois, les gens ont commencé à ressentir davantage l’influence du mainland et s’en inquiéter. C’est un peu naïf mais je crois qu’ils espéraient que les choses resteraient vraiment telles quelles jusqu’en 2047.
2047 est vu comme une fatalité. Ils savent qu’ils ne peuvent pas grand-chose contre la Chine mais essayent de jouer la montre en espérant qu’un changement se produira a la tête du pays. C’est un mélange de résignation, de pragmatisme et d’un (léger) espoir. Depuis Occupy Central (Révolution des parapluies), la déconnexion entre les dirigeants et la jeunesse est de plus en plus importante. Et on sent que les choses pourraient facilement dégénérer avec une étincelle. C’est une drôle de situation : un gouvernement et des élites qui poussent la ville dans une direction que la majorité de ses habitants ne veut pas.

Arnaud Mirloup, juin 2017
CinemAsie

La genèse de <i>Police vs Syndicats du crime</i>

Police vs Syndicats du crime , retour sur la création du livre par Arnaud Lanuque :